Izabela Jaruga-Nowacka (59 ans), et Jolanta Szymanek-Deresz (55 ans), étaient toutes deux députées de Sojuszu Lewicy Demokratycznej ("Alliance démocratique de gauche", SLD) à la Diète polonaise. Elles figurent parmi les victimes du crash de Smolensk de samedi 10 avril 2010. Si la catastrophe aérienne qui endeuille la Pologne le samedi 10 avril 2010 a couté la vie au président Polonais et à de nombreuses hautes figures de la vie politique polonaise, de droite comme de gauche, il est juste de revenir sur ces deux Grandes Dames, sur les combats qu’elles ont menés, en particulier pour le droits des Femmes et la Paix en Pologne.
Féministe luttant sans relache contre les discriminations et la violence faite aux femmes
Sans jamais s’être engagée en politique durant la période communiste, Izabela Jaruga-Nowacka [1] avait rejoint la très progressiste Ligue des Femmes Polonaises en 1991. Elle était avec Jolanta Szymanek-Deresz l’une des prinipales voix de l’opposition de gauche en Pologne (SLD). Izabela a toute sa vie défendu pied à pied les droits des femmes en s’opposant aux mesures rétrogrades du pouvoir de la puissante église catholique et singulièrement du très conservateur Prawo i Sprawiedliwość ("Droit et Justice", PiS), qui ces dernières années ont remis en cause beaucoup des droits hérités de la période communiste. En effet, l’avortement était légal en Pologne entre 1955 et 1993 et était gratuit dans les hôpitaux publics et payant dans les cliniques privées. Il est intéressant de voir comment cet "acquis" fut perdu. Le gouvernement de droite tenta d’attaquer ce droit mais des grandes manifestations furent organisées, où Izabela s’investit, avec toutefois un essoufflement de la mobilisation dû sans doute à la crise qui accapara les Polonais. C’est alors qu’en janvier 1993, après une spectaculaire apparition du chef de l’Eglise Polonaise à la Diète où il menaça de retirer le soutien de l’Eglise aux réformes ultralibérales, les députés, soucieux de sauvegarder leurs privilèges de nouvelle élite, acquis aux thèses ultralibérales et masculins dans l’écrasante majorité, votèrent l’interdiction de l’avortement. Avec le retour des socialistes au pouvoir cette même année 1993, avec M. Kwasniewski, un projet de loi autorisant l’avortement en cas de danger pour la mère, de malformation de fœtus, en cas de viol et en cas de « situation sociale difficile de la mère » fut promulguée, mais le Tribunal Constitutionnel abrogea en 1996 la dernière disposition, comme étant contraire à la Constitution. Récemment, la condition féminine en Pologne s’est notablemement améliorée en particulier grâce à son engagement citoyen. Soulignons que le statut de la Femme polonaise s’améliore dorénavant même si en 2008, la Pologne occupait la 49eme place du classement sur les discriminations homme-femme - "The Global Gender Gap Report" [2]. Avec une grande constance de son engagement féministe, rappelons qu’Izabela a prolongé son action de militante féministe en donnant des perspectives politiques à son action puisqu’elle a été élue à la Diète dés 1993 et fut vice-première ministre jusqu’en 2005.
La brutale et tragique disparition de ces deux Grandes Dames est une perte terrible pour la Pologne des Droits des Femmes et de la Paix.
Patrice Salzenstein (membre du bureau National du Mouvement de la Paix)